par Eve Scholtes
Au XIXe siècle, la capitale du duché de Bretagne accueille la plus grande empoisonneuse de tous les temps, avant de l’exécuter sur la place publique : Hélène Jegado.
Entre 30 et 60 victimes au total, selon ses propres dires, alors qu’elle est incarcérée. Le verdict est déjà tombé. Les assises d’Ille-et-Vilaine ont jugé Hélène Jegado pour cinq empoisonnements, cinq autres tentatives et des vols. La mort par guillotine sera sa peine, exécutée le 26 février 1852 sur l’esplanade du Champ de Mars à Rennes. Tandis que le film éponyme, réalisé par Stéphanie Pillonca-Kerven et inspiré du livre de Jean Teulé, raconte sur grand écran le parcours de cette petite fille bousculée par ses parents et par la vie, la Ville rouge résonne du souvenir de cette orpheline devenue tueuse en série.
Dans les pas de l’empoisonneuse
La place Saint-Michel et l’ancienne Auberge du Bout du Monde constituent le point de départ de sa chute, deux ans après son arrivée à Rennes. Trop de morts suspectes parmi les employés de l’établissement, trop de plaintes émanant des clients : les médecins alertent le procureur de la République. Les enquêteurs délogent la jeune domestique chez son nouvel employeur, dont l’hôtel particulier fait face à l’auberge où elle officiait : un avocat, Bidard de la Noë, qui devient plus tard le maire de Rennes. Hélène Jegado crie son innocence dès l’arrivée des gendarmes. Le procès se tient au Parlement de Bretagne, rue Salomon de Brosse, à cinq minutes à pied de là. Outre les objets liés à ses victimes qu’elles conservaient, aujourd’hui exposés au Musée de Bretagne situé cours des Alliés, les autopsies pratiquées concluent rapidement à des empoisonnements à l’arsenic.
Un gâteau garanti sans arsenic
L’affaire nourrit l’imaginaire rennais. Elle régale aussi les gourmands grâce au chocolatier Durand dont les chocolats numérotés, fabriqués au 5 du quai Chateaubriand, font la notoriété. La boutique propose également un gâteau unique, baptisé « Arsenic et Vieilles Dentelles » (13,50 € l’unité). Difficile de déterminer si la recette est un legs de Hélène Jegado elle-même ou si elle s’inspire de la signature criminelle de l’empoisonneuse. Suggérée par une passionnée de la culture du Pays Gallo et de la gastronomie bretonne, puis imaginée par la gérante de la maison Durand, elle consiste en une galette tendre cuisinée avec de l’angélique confite et des raisins au rhum ; deux ingrédients qu’aurait utilisés la domestique pour masquer le goût du poison.